• À propos du dernier livre d'Ivan Rioufol

    Ivan Rioufol vient de faire paraître un ouvrage au titre limpide : De l'urgence d'être réactionnaire. Je dois confesser ne pas avoir lu le livre, et ne pas projeter de le faire dans l'immédiat. Je ne parlerai donc pas de son contenu ; en revanche, son titre m'interpelle.

    Pourquoi, en effet, Rioufol emploie-t-il le terme de « réactionnaire » ?

    Pour moi, ce mot désigne ceux qui, arrêtés à l'avant 1789, souhaitent y revenir quelque peu. Je n'ai pas l'impression que ce soit son cas.

    Il se fait l'avocat du retour de la patrie et du sentiment d'appartenance nationale, qu'il conçoit comme un ciment social. (C'est ce qui se déduit logiquement du titre d'un livre précédent, publié en 2007, La Fracture identitaire.) Mais cette défense de la patrie n'est pas un extrémisme, comme l'exprime sa définition du néoréac : « Le réactionnaire du XXIe siècle est un démocrate déçu et de plus en plus irrité, venu de la droite comme de la gauche. [...] Le "néoréac" est, en réalité, en résonnance avec la société civile qui a décidé de reprendre son destin en main. Il peut être le socle politique d'une future Union nationale. Il est le nouveau moderne. » (quatrième de couverture).

    Si Rioufol peut écrire que le néoréac est le « nouveau moderne », c'est bien qu'il s'inscrit dans la continuité de 1789. Ce sont pourtant de pareilles positions qu'il qualifie de réactionnaires. Ce n'est, en fait, qu'un emprunt fait à la gauche, car c'est la gauche qui est parvenue à faire triompher l'idée que toute référence à la patrie, même d'une manière modérée, était réactionnaire. Donc, en utilisant ce terme, Rioufol s’inscrit encore dans le paysage des catégories politiques imposées par la gauche ; même si on peut soupçonner qu'il cherche à droitiser le sens du mot, cela me paraît malhabile, compte-tenu de la puissance culturelle de la gauche.

    La plupart des libéraux, je pense, juge que l’appartenance nationale est une chose secondaire. Selon leur perspective, le libre accord des libertés individuelles suffit à créer un ordre assez sûr et stable, par le simple fait que nous ayons généralement besoin les uns des autres afin d’atteindre nos buts pacifiques, pour que la société se tienne hors du chaos et de l’anomie. Cela suffit à un libéral. Dans cet ordre, l’appartenance nationale est parfaitement dispensable, elle peut même être importune en ce qu’elle tend politiquement à justifier la limitation des libertés individuelles. 

    À mes yeux, le sentiment d’appartenance nationale n’est pas, en soi, un problème. La question est surtout sa mise en œuvre. Si, dans un contexte spécifique, il peut permettre de défendre, ou d’étendre, les libertés individuelles, alors je le défends. Si, au contraire, il est l’instrument de contraintes toujours renouvelées, alors je m’en défends.

    Pour revenir à Rioufol, je crois qu'il aurait dû pleinement subvertir le jeu de l’adversaire, avec un titre du genre : La Patrie, une idée d’avenir.


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