-
Antifiscalisme et esclavagisme, même combat !
« La haine de l’État et des impôts serait donc, originellement, l’expression du conservatisme esclavagiste plutôt que le reflet d’une conception de la liberté individuelle. »
Nicolas Delalande
Dans La Vie des idées (ici), l'historien Nicolas Delalande fait la recension d'un ouvrage paru aux États-Unis : Robin L. Einhorn, American Taxation, American Slavery, Chicago, University of Chicago Press, 2006.
L'historienne états-unienne interroge le mythe national anti-fiscal de son pays, et conclue que celui-ci n'est pas réellement une défense des libertés individuelles, mais provient de la volonté des esclavagistes d'empêcher toute taxe nuisant à l'économie de plantation qui les faisait vivre.
Nicolas Delalande (qui semble se spécialiser dans l'histoire de l'impôt, comme l'indique son livre, Les Batailles de l'impôt, publié en mars 2011) se démarque de cette interprétation. Il écrit : « La thèse de Robin Einhorn est radicale et volontiers excessive. » Toutefois, elle « s’inscrit dans un courant historiographique institutionnaliste qui confronte les mythes fondateurs des États-Unis aux jeux complexes de pouvoir qui ont façonné les institutions politiques. Par son outrance même, le propos de l’historienne, qui tend à faire des contestataires de l’impôt des trente dernières années les héritiers lointains des esclavagistes du XVIIIe siècle, vise à briser le consensus actuel qui voit dans l’impôt et dans l’État fédéral une entrave à la liberté des citoyens américains. »
On rapporte souvent, qu'aux États-Unis, les valeurs des Pères fondateurs sont presque sacrées. Il semblerait cependant que certains veuillent les écorner. Il n'est pas inutile que l'histoire interroge cette période, et la demystifie quelque peu. Mais le cas présent illustre la manière dont l'histoire peut être instrumentalisée par ceux-là mêmes qui prétendent la purger de ses mythes.
Le risque, c'est un mouvement circulaire, dont la connaissance a peu à attendre : la démystification génère à son tour du mythe.
Tags : âneries antilibérales, nicolas delalande
-
Commentaires