• Montesquieu, libéral ?

    « Née au début du XIXème siècle, la notion de libéralisme, à l'évidence, est étrangère à Montesquieu. »

    Robert Muller¹

    Montesquieu penseur libéral, c’est ainsi qu’il est généralement présenté. C’est le cas dans la culture scolaire dispensée par les manuels ; de Pierre Manent qui, dans son Histoire intellectuelle du libéralisme, écrit : « Montesquieu est libéral non seulement dans ses principes, mais encore dans son humeur ou dans son ton » (page 120) ; de Wikibéral, qui le classe comme libéral classique.

    On procède ainsi parce qu’il a parlé de la séparation des pouvoirs et de leur équilibre : « il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir » (De l’Esprit des lois, XI, 4). Pareille sentence ne pouvait que plaire à ceux qui communient dans l’idée qu’un pouvoir limité est nécessaire ; sous ce rapport, Pierre Manent peut écrire que Montesquieu « fixe le langage définitif du libéralisme ». Montesquieu a aussi écrit que  « L’effet naturel du commerce est de porter à la paix » (De l'Esprit des Lois, XX, 2), et Philippe Simonnot put lui consacrer la cinquième de ses 39 leçons d'économie contemporaines. Mais cela en fait-il pour autant un libéral ?

    Il est étonnant, par exemple, de voir que Philippe Némo, dans sa monumentale Histoire des idées politiques aux Temps modernes et contemporains, classe le philosophe parmi les penseurs de droite « adversaires de la tradition démocratique et libérale » (quatrième partie, chapitre 2). C’est que la modération, à laquelle Montesquieu convie le gouvernement, vise la monarchie absolue… au profit de l’aristocratie.

    On a alors parlé de libéralisme aristocratique, mais qu’est-ce qu’un libéralisme qui se réserve à une frange de la population ? Jamais Montesquieu ne théorise, décrit ou adhère à des droits individuels identiques pour tous, ce que nous appelons aujourd’hui les droits de l’homme. En revanche, il défend les privilèges de la féodalité et les corps intermédiaires de l’Ancien Régime.

    Par certaines de ses idées, Montesquieu a certainement sa place dans la genèse du libéralisme tel que nous le comprenons aujourd'hui. Mails il n'est peut-être pas, à proprement parler, un libéral.

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    ¹ Robert Muller, « Montesquieu libéral ? », in Marianne et Le Magazine littéraire, hors-série de janvier-février 2012, page 44.


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