• La polémique Guéant est tombée pile au moment où je lis un excellent Revel. Dans ce livre, la fin du chapitre 7 offre un passage expliquant pourquoi il est légitime de juger les civilisations (ou les cultures, ou les sociétés) :

    Ce n'est qu'avec la civilisation grecque, puis avec Rome et avec l'Europe moderne, que naquit un jour dans une culture, non certes une totale modestie, mais un point de vue critique de soi au sein de cette même culture. Avec Montaigne, par exemple, et bien sûr, encore plus avec Montesquieu, se développe pleinement le thème de la relativité des valeurs culturelles. À savoir : nous n'avons pas le droit de décréter une coutume inférieure à la nôtre simplement parce qu'elle en diffère, et nous devons nous rendre capables de juger notre propre coutume comme si nous l'observions du dehors.

    Seulement, chez Platon, Aristote ou, au XVIIIe siècle, chez les philosophes des Lumières (dont font partie les Pères fondateurs américains), ce principe relativiste signifie non pas que toutes les coutumes se valent, mais que toutes doivent être impartialement jugées, y compris la nôtre. Nous ne devions pas, selon eux, être plus indulgents pour nous-mêmes que pour autrui, mais nous ne devions pas non plus être plus indulgents pour autrui que pour nous-mêmes. L'originalité de la culture occidentale est d'avoir établi un tribunal des valeurs humaines, des droits de l'homme et des critères de rationalité devant lequel toutes les civilisations doivent également comparaître.

    Jean-François Revel, La Connaissance inutile, Grasset, 1988, page 116.


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  • Petit rappel historique sur la TVA, avec une précision intéressante à propos de la TVA sociale, déjà testée sous de Gaulle...


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  • Encore une affaire ridicule de scandale politique qui dénote bien la profonde décrépitude de notre classe politique, celle de gauche pour le coup (ici et ici). Claude Guéant provoque l'indignation pour avoir déclaré que « toutes les civilisations ne se valent pas ». Il a pourtant ajouté : « Celles qui défendent l'humanité nous paraissent plus avancées que celles qui la nient »...

    Mon Dieu, le fou !

    Tout ce que la gauche compte d'abrutis lui tombe dessus : Harlem Désir, Cécile Duflot, SOS Racisme, le Mouvement des jeunes socialistes... Tous entonnent le même refrain, connu depuis longtemps, de la lutte antiraciste ; Duflot nous fait même une crise de progressite aiguë en dénonçant un abject « Retour en arrière de 3 siècles »... Sans doute préfère-t-elle l'excision, la polygamie, les mariages forcés, le cannibalisme ou les sacrifices humains, qui sont certainement des pratiques d'avenir...

    C'est vrai que Guéant prend la gauche à partie (« Contrairement à ce que dit l'idéologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas »). Mais il ne fait que lui fourrer le nez dans ses propres contradictions. Et comme la gauche n'est décidément pas très maligne, elle donne dans le piège. Attaquée sur son relativisme elle réagit, par pur conditionnement pavlovien, en exhibant... son relativisme.

    Non seulement cela, mais en plus cette sotte réaction la conduit à avouer massivement qu'elle considère la défense des libertés individuelles et de l'égalité des droits, bref des droits de l'homme, comme rétrograde et raciste ; le FN lui-même n'aurait pas mieux dit ! Pourtant, n'est-ce pas la gauche qui se targue de défendre mieux que quiconque lesdits droits de l'homme ? Autant de confusion intellectuelle est pathétique.

    Ah, dommage que Revel ne soit plus là pour voir ça ! Il n'aurait guère été étonné, mais il se serait certainement bien marré. Malheureusement, ce sont les vrais racistes et les vrais fascistes qui vont bien rire...

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    Post scriptum :

    Une mention spéciale pour le Mouvement des jeunes socialistes, qui fait un usage pour le moins idiot du mot racisme. Selon le MJS, le discours de Guéant est « xénophobe et raciste » et permet « le basculement vers un véritable racisme culturel ». Or, outre qu'on peut se demander ce qu'il y a de raciste ou de xénophobe dans l'exaltation des droits de l'homme, Guéant parle de civilisation, non de race. La civilisation n'ayant pas d'attache biologique ou raciale, il ne peut davantage y avoir de racisme culturel (du moins pas comme semble l'entendre le MJS). En l'espèce, c'est le MJS qui développe une pensée racialiste en prétendant que parler de civilisation, donc de culture, revient à parler de race, donc de biologie. Comme le notait Revel, dans la Connaissance inutile, le flou sémantique entourant le terme racisme est bien commode en politique.


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  • La France a un vrai problème avec ses institutions. Aucun homme politique ne semble vouloir prendre le problème à bras le corps.

    Heureusement, de temps à autres, par touche, des choses changent. Sous Jospin, les socialistes avaient eu raison de poser la question du cumul des mandats - tout en se gardant, bien entendu, de faire réellement quoi que ce soit.

    Nicolas Sarkozy, dans sa réforme constitutionnelle de 2007, a redonné un peu d'oxygène au Parlement croupionnisé par de Gaulle ; on peut également saluer le renforcement du rôle du Conseil constitutionnel comme protecteur des libertés - rôle qu'il ne devait pas avoir initialement, se devant surtout de maintenir le Parlement dans son état d'infériorité constitutionnelle par rapport à l'exécutif.

    Maintenant, c'est François Hollande qui s'apprête, semble-t-il, à annoncer son intention de supprimer la Cour de Justice de la République (CJR), dans le cas où il serait élu ; les membres du gouvernement seraient dès lors jugés comme n'importe quel justiciable, par une cour ordinaire...

    La CJR, créée en 1993 par François Mitterrand, était déjà un progrès par rapport à la Haute Cour de Justice. En effet, seuls des parlemenaires pouvaient la saisir, ce qui était contradictoire avec la séparation des pouvoirs. Actuellement, n'importe quelle personne, s'estimant victime d'un crime ou d'un délit commis par un membre du gouvernement dans l'exercice de ses fonctions, peut saisir la CJR ; les plaintes sont d'abord examinées par une commission des requêtes.

    Malgré ces améliorations, le fonctionnement de la CJR n'a pas semblé très satisfaisant.

    Je trouve positives ces évolutions. Néanmoins, le président de la République demeure toujours largement au-dessus des lois ordinaires. Par exemple, la « révision constitutionnelle de 2007 a confirmé l’immunité traditionnelle dont bénéficie le Président de la République pour les actes commis dans l’exercice de ses fonctions et a institué une inviolabilité temporaire concernant tous ses autres actes, inviolabilité qui prend fin avec le mandat présidentiel » (ici).

    Toutes ces exceptions témoignent et participent de la sacralisation du pouvoir. Ce sont des choses qui me semblent parfaitement dommageables, ne serait-ce que sur le plan symbolique.


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  • Le Monde relate la cartographie en janvier 2012 du web politique, réalisée par Linkfluence. Ce qui saute aux yeux, d'un simple coup d'œil, c'est la nette domination de la gauche sur la droite (extrêmes, centre et écologistes non compris) : à elle seule, elle réprésente presque la moitié des 1491 sites répertoriés pour l'étude...

    Avec 200 sites, la droite n'atteint même pas 13,5% du total !

    Mais, déjà en 2007, la gauche surplombait la droite ; cette dernière avait un peu moins du quart des 1755 sites répertoriés, contre déjà 43,5% pour la gauche. En 2009 aussi, la gauche totalisait plus de 43% du total.

    C'est très certainement le résultat de cette affreuse dictature sarkozienne avec laquelle on voulut effrayer les Français au moment des présidentielles de 2007...

    Un autre enseignement apparaît : le renforcement de l'extrême-droite. Elle totalise 14 sites de plus que la droite classique ; signe de l'échec de Nicolas Sarkozy, qui finit par donner raison à J.-M. Le Pen : vous avez voté pour la copie, vous regretterez l'original !

    Cela dit, je trouve étonannt l'étiquetage des sites à l'extrême-droite. On a l'impression qu'il suffit d'avoir un peu de mordant contre l'immigration, de se méfier de l'islam, d'être attaché à la Nation, d'être un peu trop néoconservateur ou d'avoir un passé extrémiste, pour en être... Je suis assez surpris, par exemple, d'y voir La Lime, Les 4 Vérités, L'Insolent ou Résilience¹. 

    De toute façon, elle est nulle cette étude, y'a même pas Contrepoints...

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    ¹ À dire vrai, hormis pour le premier de cette liste, je ne les consulte que très rarement. Des choses ont pu m'échapper et j'ai peut-être tort de m'étonner. Mais, enfin, un rapide coup d'œil à leur blogroll me laisse dubitatif quant à leur extrémisme. À voir.


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  • Les censeurs ont encore frappé ! Il n'ont toujours par compris que leur ire même fait la promotion de ce qu'ils entendent jeter dans l'ombre... Ridicule.

    Et le plus dramatique, c'est que deux plaintes auront suffit. Nous vivons vraiment une époque rabougrie.


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  • < Lire la première partie

    Sept fiches s'attaquent à la crise (idées reçues n°26 à 32) ; voyons ce qu'elles racontent.

    Il y a d'abord l'acquittement des faux coupables. Les hedge funds ne sont pas responsables de la crise. Mais ils sont parfaits dans ce rôle : ils investissent sur le marché des dérivés, ils jouent aussi bien à la baisse qu'à la hausse, ils s'installent dans des paradis fiscaux échappant aux régulateurs... Bref, de sales bêtes que nos politiciens ne peuvent que rêver de mettre au pas. Quand on veut tuer son chien, on l'accuse d'avoir la rage.

    Il y a ensuite les faux diagnostics. Devant la débâcle ayant frappé certains pays, aussi bien importateurs qu'exportateurs, d'aucuns se réjouirent du modèle français, qui amortit si bien la crise. D'autres suggérèrent qu'il fallait fermer les frontières ! Sauf qu'agir ainsi, c'est ne pas profiter de la reprise économique.

    Beaucoup ont jubilé du retour de l'État - parce que les crises entraînent toujours le retour de l'État/vengeur masqué, qui donne raison aux contempteurs du marché. Sauf que, comme le dit Jean-Paul Betbèze, « Il ne fallait pas croire au retour de la puissance publique. Le pouvoir appartient au créancier [...], pas au débiteur qui est l'État, même s'il jouait au pompier encore la veille. » Et oui, à trop croire que l'endettement public n'est pas un problème...

    Par ailleurs, réduire les salaires des salariés ne serait pas une bonne idée pour sortir de la crise. En effet, la consommation baisserait, ce qui aggraverait les choses. Cela reviendrait aussi à faire peser la crise sur les salariés, et non les actionnaires, alors que l'enrichissement de ces derniers se justifie par les risques financiers qu'ils prennent.

    Enfin, il y a quelques menues corrections. Par exemple, les crises financières causent moins de tort à la croissance que les crises immobilières et les krachs monétaires ; les riches ne s'en sortent pas indemnes, leur patrimoine en prend un coup et le matraquage fiscal se dessine à l'horizon ; le déficit commercial n'est pas nécessairement signe de crise, tout dépend de son origine (on peut s'inquiéter si ce sont les exportations qui s'effondrent).

    Bref, 150 idées reçues sur l'économie est une compilation intéressante qui permet d'avoir un petit aperçu de différentes questions.


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  • « La nature de l’homme est d’être libre et de vouloir l’être, mais il prend facilement un autre pli lorsque l’éducation le lui donne. »

    La Boétie

    Le gouvernement espagnol vient d'annoncer la suppression des cours d'instruction civique mis en place par Zapatero en 2008.

    Ce programme était très contesté par la droite, au motif qu'il s'agissait d'un embrigadement pro-socialiste et antichrétien... Je ne saurais dire si c'est vrai, même si cela ne serait guère étonnant venant de socialistes ; mais je n'ai pas lu ces programmes et ma pratique de l'espagnol est trop fastidieuse pour me le permettre.

    J'ai d'ailleurs cru comprendre que la droite, sous Aznar, avait rendu obligatoires des cours de catholicisme, ce qui n'est pas plus plaisant à mes yeux.¹ Tout cela n'est donc très certainement qu'un énième rebondissement dans la lutte idéologique entre droite et gauche espagnoles, comme un lointain écho aux heures troublées des XIXème et XXème siècles.

    Je ne prendrai donc pas partie dans cette querelle qui est spécifique au contexte espagnol. Néanmoins, je vois que des parents se sont rebellés contre une décision gouvernementale en matière éducative. Depuis 2008, ce serait plus de 55 000 demandes d'exemption qui auraient été déposées. Les opposants sont même allés se plaindre à la justice européenne !

    Je ne peux qu'être désolé de voir, en contrepoint, l'apathie générale des parents français, malgré les résultats plus que mauvais de l'Éducation nationale. Tout semble comme si, de ce côté-ci des Pyrénées, la population avait intégré l'idée de sa privation de liberté ; une sorte de servitude volontaire, comme disait La Boétie, qui illustre sans doute l'enjeu de la liberté en matière d'éducation. En comparaison, c'est une vraie leçon qui nous vient d'Espagne !

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    ¹ Si c'est exact, la droite a beau jeu de parler désormais de liberté scolaire, dont elle ne devait pas beaucoup s'embarrasser lorsqu'elle était aux affaires.


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  • « L'histoire de l'industrie est le livre ouvert des facultés humaines. »

    Karl Marx

    Ah, l'industrie ! C'est entendu que nos dirigeants ont une sérieuse obsession avec elle. C'est proprement maladif. C'est vrai qu'à l'aune de l'Allemagne...

    Nicolas Sarkozy, durant son entretien télévisé de dimanche, a encore donné dans le genre, en affirmant que le Royaume-Uni n'avait plus d'industrie. Ce n'est pas la première fois.

    Le 5 février 2009, il avait déclaré : « [La Grande-Bretagne] n'a plus d'industrie, à la différence de la France. Parce que l'Angleterre, il y a vingt-cinq ans, a fait le choix des services, et notamment des services financiers. » Le hic, c'est qu'à ce moment, la part du secteur secondaire dans le PIB était de 16,7% au Royaume-Uni... contre 14,1% en France. Les choses ont pu changer un peu depuis, mais tout de même...

    Cette constance dans l'erreur n'est pas anodine. Elle exprime le choix, assez général dans notre classe dirigeante, de suivre le modèle allemand, plutôt que le modèle ultra-néo-libéralo-financier des Britanniques. Les rodomontades pathétiques de la campagne pour l'achat patriote le montrent aussi. C'est là l'un des mythes qui structurent notre vie politique.

    Le plus étonnant, c'est que plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer la stratégie économique non-coopérative de l'Allemagne (voir cette étude (PDF) de Natixis, qui relativise aussi les choses). Voilà maintenant que tout le monde oublie ces critiques et rêve de voir la France dotée d'une industrie puissante et exportatrice¹, on roule des mécaniques industrielles... Comprenne qui pourra !

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    ¹ Qu'on se rassure toutefois : ce ne sont que des fantasmes puérils. Aucun homme politique n'aura le courage d'imposer aux Français la même rigueur que les Allemands se sont infligée. On voudrait avoir les succès de l'Allemagne, sans s'en donner la peine, alors on culpabilise les consommateurs en leur disant : c'est de votre faute si l'industrie fout le camp, il suffirait pourtant d'acheter 1 ou 2 euros plus cher...


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  • Franck Dedieu, Emmanuel Lechypre et François de Witt, tous du journal l'Expansion, viennent de publier 150 idées reçues sur l'économie. Avec pour slogan « Arrêtez de vous faire enfumer ! ».

    Moi j'ajouterai : Arrêtez de nous rouler ! Car sur les 150 idées reçues, beaucoup (possiblement 101, je n'ai pas regardé dans le détail) ont déjà été publiées, par les mêmes, dans un ouvrage datant de 2007 : 101 idées reçues sur l'économie, cela ne s'invente pas...

    De plus, aucune fiche n'est datée. Même si parfois, à la lecture, on peut déduire la date, c'est gênant.

    Bref. Ce qui m'interpelle, ce sont les raisonnements parfois maladroits, ou bien maladroitement exposés. Voici deux exemples.

    Exemple 1 : La mondialisation aide à sortir de la pauvreté (n°45)

    Franck Dedieu conteste l'idée. La pauvreté, dit-il, se réduit surtout en Chine ; en Inde elle recule peu et augmente même en Afrique noire.

    Pour l'expliquer, il cite le président du Cepii (Centre d'études prospectives et d'informations internationales), Michel Fouquin. Ce dernier dit que « Les gagnants de la mondialisation [...] ont tous un point commun : ils exportent dans plusieurs secteurs ».

    Moi je comprends : la mondialisation réduit bel et bien la pauvreté, à condition de s'y insérer suffisamment et de façon efficace. Ce n'est pas tout à fait la même chose, car on commence par croire que la mondialisation ne sert à rien. (On pourrait d'ailleurs objecter que le recul de la pauvreté, en Chine seule, est déjà un beau succès.)

    Exemple 2 : La concurrence profite toujours aux consommateurs (n°147)

    Voilà une réfutation qui interpelle n'importe quel libéral ! Mais la démonstration paraît bien tordue. En effet, la concurrence étant contraignante pour les entreprises, celles-ci peuvent s'entendre pour la limiter. Emmanuel Lechypre à l'inspiration de faire cette citation : « Nos concurrents sont nos amis, nos clients nos ennemis. » Voilà qui résume bien les buts d'un cartel.

    Mais précisément, le cartel est le contraire de la concurrence. Les défauts qui sont les siens ne sont donc pas ceux de la concurrence... Ce qu'il aurait été plus juste de dire, c'est que le marché ne crée pas toujours les situations où la concurrence est la plus forte, réalité effectivement défavorable aux clients. Cela n'équivaut pas, toutefois, à dire que la concurrence elle-même ne profite pas toujours aux consommateurs...

    Il y a une autre possibilité. Le titre est maladroit ; l'auteur ne voulait pas dire que la concurrence n'était pas toujours favorable aux consommateurs, mais bien qu'elle n'était pas parfaitement garantie par le marché. C'est quand même embêtant.

    Néanmoins, il y a loin qu'il n'y ait que des mauvaises choses. Sont notamment intéressantes les notices - presque toutes nouvelles - concernant la crise actuelle. Mais ce sera l'objet d'un prochain billet du Salon des lectures.  

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